4 février 2019
Josette Audin était la veuve de Maurice Audin, un jeune assistant de mathématiques à la Faculté d’Alger qui militait pour l’indépendance algérienne. Arrêté à son domicile par des militaires français le 11 juin 1957, Maurice Audin ne revint jamais. Il avait été torturé puis exécuté ou torturé à mort par ceux qui l’avaient arrêté. Josette Audin, restée seule avec leurs trois jeunes enfants, fit tout pour le retrouver. On lui livra alors ce qui allait rester pour des décennies la version officielle : son mari s’était évadé. La plainte pour enlèvement et séquestration que Josette Audin déposa alors achoppa, comme d’autres, sur le silence ou le mensonge des témoins-clés. L’enquête fut définitivement close en 1962 par un non-lieu, en raison des décrets d’amnistie pris à la fin de la guerre d’Algérie, qui mirent fin à toute possibilité de poursuite.
Déplaçant alors son combat pour la justice sur le terrain de l’établissement et de la reconnaissance de la vérité, des faits historiques et des responsabilités politiques, Josette Audin continua à se battre avec une détermination inébranlable pour savoir ce qui était arrivé à son époux, puis pour que cette histoire soit connue, et, plus généralement, pour que l’histoire complexe et douloureuse de la guerre d’Algérie soit regardée avec courage et lucidité.
Durant plus de soixante ans, avec ses enfants, avec l’Association Maurice Audin, avec le soutien d’historiens comme Pierre Vidal-Naquet, de mathématiciens et de journalistes, Josette Audin s’est inlassablement mobilisée pour que jamais le souvenir de Maurice Audin et la mémoire de son sort ne s’éteignent. Mais aussi pour que l’État reconnaisse la responsabilité des gouvernements français qui, durant la guerre d’Algérie, échouèrent à prévenir et à punir le recours à la torture, faillirent à cette mission fondamentale qui incombe à toute autorité démocratique d’assurer la sauvegarde des droits humains et, en premier lieu, l’intégrité physique de celles et de ceux qui sont détenus sous leur souveraineté.
L’année dernière, à 87 ans, Josette Audin se battait encore, toujours. Le 13 septembre 2018, la République française a reconnu le rôle de la France dans l’assassinat de son mari et la pratique de la torture durant la guerre d’Algérie.
Le Président de la République salue le courage immense d’une femme qui, par amour et par conviction, ne cessa jamais de se battre pour la justice et la vérité. Il adresse ses plus sincères condoléances à ses enfants, Michèle et Pierre, ses petits-enfants, et tous ceux qui l’ont accompagnée et soutenue dans son engagement.
La vie de Madame Audin fut une vie d’amour et de combat pour son mari et pour la vérité. C’est son viatique et la source de notre profond respect.