« Où est Maurice Audin ? » La question a hanté le procès. Nicole Dreyfus fait le point sur le sort des plaintes déposées au printemps dernier.

par Ajma

Jeudi 29 Novembre 2001
L’humanité

C’était le 9 mai 2001.

Six jours seulement après la parution du livre d’Aussaresses, Josette Audin portait plainte pour  » enlèvement et séquestration et crime contre l’humanité « . Pour que la vérité, enfin, soit dite, nommée ; pour que Maurice Audin ne soit plus le  » disparu  » d’un mensonge de tortionnaires avalisé, de facto, par les autorités, mais l’homme qui fut sans doute assassiné le 21 juin 1957 à la villa El Biar à Alger, étranglé par un officier parachutiste de l’armée française. Tout au long du procès Aussaresses, Maurice Audin a été, en quelque sorte,  » présent « . Quand Pierre Vidal-Naquet a demandé à Aussaresses :  » Dites-nous où est Maurice Audin ?  » Quand Simone de Bollardière a répété :  » Où est Maurice Audin ? Qui l’a tué ? Je connais Mme Audin, quand je la vois, je suis bouleversée, vous la martyrisez avec vos mensonges. Où est Maurice Audin ?  » Quand Henri Alleg a déclaré, indigné :  » Pour moi, qui étais un ami intime d’Audin, entendre dire (de la part d’Aussaresses – NDLR) qu’il ne sait pas comment Audin est mort est un mensonge insoutenable.  » Entretien avec Nicole Dreyfus, l’avocate de Josette Audin.


Vous êtes l’avocate de Josette Audin. Que s’est-il passé depuis six mois ?
Nicole Dreyfus. Nous avons déposé plainte pour  » enlèvement et séquestration « , ce qui permet d’échapper à la prescription, puisqu’il s’agit de délits continus : tant que l’on n’a pas retrouvé le corps de Maurice Audin, on peut légitimement utiliser cette qualification. Quant au  » crime contre l’humanité « , il n’est pas, à l’heure actuelle, retenu par la jurisprudence pour les actions commises entre la fin de la Deuxième Guerre mondiale et l’année 1994, date de la réforme du Code pénal. Autrement dit, selon la jurisprudence, le  » crime contre l’humanité  » n’existe pas pour les faits concernant la mort de Maurice Audin, qui s’est produite en 1957.
Avez-vous bon espoir que la plainte pour  » enlèvement et séquestration  » soit instruite ?


Nicole Dreyfus. N’oublions que la thèse du parquet à l’époque était qu’Audin s’était enfui et que, par la suite, il a même été déféré devant le tribunal militaire pour reconstitution de ligue dissoute et atteinte à la sûreté de l’État ! Récemment, le parquet a demandé que lui soient communiquées les plaintes antérieures qui s’étaient conclues par une amnistie, en vertu de la loi de 1968. Ce dossier a disparu : il faisait partie des archives départementales d’Ille-et-Vilaine qui ont brûlé avec le palais de justice de Rennes. En conséquence, le parquet a essayé d’obtenir des documents en s’adressant à la chancellerie qui pouvait avoir conservé des pièces dans la mesure où il s’agissait d’une affaire  » sensible « . Jusqu’ici, la chancellerie n’a pas répondu, malgré plusieurs relances.

Propos recueillis par Jean-Paul Monferran

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