Pour la reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans la mort de Maurice Audin

par Ajma

Pour la reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans la mort de Maurice Audin
Lettre ouverte à Emmanuel Macron.

Texte collectif
Dix-huit ans après l’Appel des douze contre la torture, l’Humanité a pris
l’initiative d’une lettre ouverte au président de la République, signée par une
cinquantaine de personnalités, pour que justice soit enfin rendue à Maurice
Audin et les milliers d’Algériens « disparus » après avoir été torturés par
l’armée française. Le 11 juin, Emmanuel Macron doit reconnaître ce crime
d’État.


Le 11 juin 1957, pendant la bataille d’Alger, Maurice Audin, mathématicien
communiste de 25 ans, était arrêté par les parachutistes du général Massu devant
sa famille, avant d’être torturé. Le jeune assistant à la faculté d’Alger n’en est
jamais revenu, et l’armée française a fait disparaître son corps.
Plus de soixante ans ont passé et Josette Audin, sa femme, attend « toujours que
la France, pays des droits de l’homme, condamne la torture, ceux qui l’ont
utilisée et ceux qui l’ont autorisée ». Car Maurice Audin ne s’est pas évaporé
dans la nature après une évasion, comme l’a trop longtemps soutenu la
« version officielle ». À la suite de Pierre Vidal-Naquet, tous ceux qui ont
travaillé sur cette « affaire » ont établi que Maurice Audin avait été torturé et
assassiné par l’armée française, agissant dans le cadre des pouvoirs spéciaux
votés par le pouvoir politique. Mais, de loi d’amnistie en non-lieu, tout a été fait
au plus haut sommet de l’État pour camoufler la vérité sur les crimes perpétrés
par l’armée française pendant la guerre d’Algérie. Et toute une génération
d’appelés a été marquée à vie, murée dans le silence et la honte.


Des deux côtés de la Méditerranée, les mémoires algérienne et française
resteront hantées par les horreurs qui ont marqué cette guerre, tant que la vérité
n’aura pas été dite et reconnue, comme le relevait déjà l’Appel des douze grands
témoins contre la torture, publié en octobre 2000 dans l’Humanité. Il est
aujourd’hui grand temps d’apaiser cette mémoire pour aller de l’avant.
En 1999, l’État français reconnaissait officiellement la « guerre » d’Algérie, qui
ne fut ni de simples « événements », ni des « opérations de maintien de l’ordre »,
mais bien « une sale guerre », dont les plaies peinent encore à cicatriser. En
2014, le président de la République, François Hollande, reconnaissait que la
thèse de l’évasion de Maurice Audin était un mensonge d’État et qu’il était bien
mort au cours de sa détention.


Monsieur le président de la République, vous avez promis « des actes forts sur
cette période de l’histoire ». La reconnaissance des sévices subis par Maurice
Audin, puis de son assassinat par l’armée française serait cet acte fort. Le
moment est venu. Pour sa famille d’abord, qui l’attend depuis plus de soixante
ans, mais aussi pour les milliers d’Algériens « disparus » comme Maurice Audin
de l’autre côté de la Méditerranée.


Il y a quelques semaines, l’« affaire Audin » est réapparue dans le débat public.


Un espoir s’est levé qui ne doit pas être déçu.


Karim Amellal Écrivain et enseignant à Sciences-Po

Pouria Amirshahi Directeur de Politis

Ludivine Bantigny Historienne, maîtresse de conférences à l’université de Rouen Normandie

Florence Beaugé Journaliste (ex-le Monde)
Alban Bensa Anthropologue, EHESS

Esther Benbassa Sénatrice (EELV) de Paris

Anissa Bouayed Historienne

Patrick Boucheron Historien, professeur au Collège de France

Raphaëlle Branche Professeure d’histoire contemporaine à l’université de Rouen, membre du conseil supérieur des Archives

Michel Broué Mathématicien, université Paris-Diderot

Patrick Chamoiseau Écrivain
Vanessa Codaccioni Maîtresse de conférences en science politique à l’Université Paris VIII

Catherine Coquery-Vidrovitch Historienne

Didier Daeninckx Écrivain

Simone de Bollardière Veuve du général Jacques Pâris de Bollardière, opposé à la torture et condamné à deux mois de forteresse

Laurence De CockHistorienne

Alain Delmas Syndicaliste

François Demerliac Documentariste

Karima Dirèche Historienne

Jérôme Ferrari Écrivain, prix Goncourt 2012

Aurélie Filippetti Ex-ministre de la Culture

Nathalie Funes Journaliste à l’Obs

François Gèze Président du groupe des éditeurs universitaires du syndicat national de l’édition

Alfred Gerson Ancien dirigeant de l’Humanité, militant anticolonialiste, torturé par l’armée française en Algérie
Raphaël Glucksmann Directeur de la rédaction du Nouveau Magazine littéraire
Robert Guédiguian Cinéaste

Régis Hébette Directeur du Théâtre de l’Échangeur

Claire Hocquet Avocate de la famille Audin

Sébastien Jumel Député PCF de Seine-Maritime

Mehdi Lallaoui Réalisateur

Narimène Laouadi Journaliste à France 24

Pierre Laurent Secrétaire national du PCF
Sébastien Ledoux Historien

Patrick Le Hyaric Directeur de l’Humanité, député européen

Alban Liechti Militant communiste condamné pour avoir refusé de porter les armes contre le peuple algérien

Pierre Mansat Président de l’Association Maurice Audin

Frédérique Matonti Politiste, université Paris-I
Adlène Meddi Journaliste et écrivain algérien

Michel Pigenet Professeur émérite d’histoire contemporaine, université Paris-I, Centre d’histoire sociale du XXe siècle

Ernest Pignon-Ernest Plasticien

Malika Rahal Historienne à l’Institut d’histoire du temps présent

Jean-Luc Raharimanana Écrivain

Marie-Françoise Roy Mathématicienne

Alain Ruscio Historien

Charles Silvestre Journaliste

Benjamin Stora Professeur des universités, président du conseil
d’orientation du musée de l’Histoire de l’immigration

Fabrice Tarrit Coprésident de Survie

Danielle Tartakowsky Professeure émérite d’histoire contemporaine, université Paris-VIII

Sylvie Thénault Historienne, directrice de recherche au CNRS

Françoise Vergès Politologue et historienne

Paul VeyneHistorien, professeur honoraire au collège de France

Cédric Villani Mathématicien, député LREM

Michel Vinaver Dramaturge et écrivain français
Abdourahman Waberi Écrivain et universitaire.

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