Monsieur Emmanuel Macron
Président de la République
Palais de l’Élysée
55, rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 Paris
Objet : la « disparition » de Maurice Audin
le 26 mai 2017
Monsieur le Président,
Dans la nuit du 11 au 12 juin 1957, il y aura juste soixante ans dans quelques jours, Maurice Audin, jeune mathématicien membre du Parti communiste algérien, était arrêté à Alger par une unité de parachutistes. Il disparaîtra à jamais. Jusqu’en 2014, la version officielle, à laquelle personne ne portait crédit, était qu’il s’était évadé.
Le 18 juin 2014, M. François Hollande, votre prédécesseur, a publié un communiqué déclarant : « Mais les documents et les témoignages dont nous disposons aujourd’hui sont suffisamment nombreux et concordants pour infirmer la thèse de l’évasion qui avait été avancée à l’époque. M. Audin ne s’est pas évadé. Il est mort durant sa détention. » Depuis cette déclaration (évoquée la veille devant son épouse Josette Audin, reçue à l’Élysée), ni ces documents ni ces témoignages ainsi évoqués, pourtant concordants et nombreux selon ce communiqué, n’ont été révélés.
En mars 2014, un appel signé de 171 personnalités et publié par les quotidiens L’Humanité et Mediapart, que nous vous joignons, a demandé qu’il soit enfin dit la vérité sur cette affaire.
De nombreuses questions se posent. Un livre paru en janvier 2014 a fait état de confidences tardives du général Paul Aussaresses peu avant sa mort évoquant un ordre d’assassinat donné par le général Jacques Massu. Qu’en est-il ? Dans ce cas, y a-t-il eu des échanges à ce sujet avec le ministre résidant Robert Lacoste, le commandant en chef de l’armée en Algérie Raoul Salan et certains autres ministres ?
Nous pensons qu’à l’occasion de ce triste soixantième anniversaire, la vérité historique relative à cet assassinat doit enfin être connue. Le 5 mai, devant la rédaction de Mediapart, vous avez déclaré : « De fait, je prendrai des actes forts sur cette période de notre histoire… » Nous pensons donc qu’à cette occasion, en recevant Josette Audin ou en vous exprimant lors des commémorations qui auront lieu à cette occasion, vous pourriez ainsi concrétiser cet engagement.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre haute considération.
Alban Liechti, Agir contre le colonialisme aujourd’hui (ACCA),
Charles Silvestre, Société des Amis de l’Humanité, coordinateur de l’Appel des douze — Henri Alleg, Josette Audin, Simone de Bollardière, Nicole Dreyfus, Noël Favrelière, Gisèle Halimi, Alban Liechti, Madeleine Rebérioux, Laurent Schwartz, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet — du 31 octobre 2000,
Gérard Tronel, Association Maurice Audin,
Nils Anderson, éditeur,
Francis Arzalier, Association française d’amitié et de solidarité avec les peuples d’Afrique (AFASPA),
Raphaëlle Branche, historienne,
Didier Daeninckx, écrivain,
Pierre Daum, journaliste au Monde diplomatique,
Michel Broué, mathématicien,
Laurence De Cock, historienne,
Alain Desjardin, Association des anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre (4ACG),
Mathias Enard, écrivain,
Jérôme Ferrari, écrivain,
François Gèze, éditeur, La Découverte,
Mehdi Lallaoui, Au Nom de la Mémoire,
Renée Le Mignot, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP),
Gilles Manceron, historien, Ligue des droits de l’Homme,
Olivier Mongin, directeur de la revue Esprit,
Michel Parfenov, éditeur, Actes Sud,
Claude Pennetier, chercheur CNRS, directeur du Maitron,
Edwy Plenel, directeur de Mediapart,
Henri Pouillot, Sortir du colonialisme,
Jacques Pradel, Association nationale des pieds-noirs progressistes et leurs amis (ANPNPA),
Alain Ruscio, historien,
Bernard Stephan, directeur de la rédaction de Témoignage Chrétien,
Benjamin Stora, historien,
Raphaël Vahé, Association républicaine des anciens combattants (ARAC),
Françoise Vergès, politologue et historienne,
Cédric Villani, mathématicien, président du jury du Prix Maurice Audin.